Mon bureau, ce héros !

Il y a dix ans de ça (déjà !?), je me rappelle des mots prononcés par quelques personnes, très certainement bien intentionnées, qui gentiment ont tenté de me dissuader de ne pas aller à l’université. Bien évidemment, ils souhaitent simplement me prévenir de la difficulté de ce cursus. Pour certains, ce n’était rien d’autre qu’un tourbillon d’amphis et de cours plus ou moins faciles à manquer. Pour d’autres, c’était bien plus un environnement source de divertissements sociaux-culturels qu’un type d’enseignement délivré qualitativement. 

Sauf que voilà, sans la moindre once de prétention, l’organisation fait partie de mes qualités. J’ai toujours écrit sur papier les choses que je devais réaliser, à court ou moyen terme. Je me revois dans ma chambre d’ado aux murs bicolores (vert et mauve, chacun ses torts) à planifier mes soirées en rentrant du collège et du lycée :

  • 17h-17h15 : goûter

  • 17h15-18h10 : SVT

  • 18h10-19h05  : Star Academy (ouais ouais, personne n’est parfait)


De la semaine au weekend, je tirais des traits, fins et épais, horizontaux et verticaux, et je m'appliquais à remplir ces rectangles tout juste nés de termes dictés par mon agenda. 

Des bancs de la fac aux bureaux éphémères, dix années se sont écoulées et mes techniques d’organisation restent inchangées (mise à part les outils utilisés. Même si le papier reste mon meilleur ami). Mes différents clients sont des cases colorées figées dans un tableau excel et mes missions hebdomadaires sont tatouées dans mon cahier. 

Bien que je sois à des kilomètres de Paris, nid de carrières professionnelles et d’emplois qualifiés, je suis capable aujourd’hui d’exercer mon métier dans un cadre naturel non-toxique, source de productivité. Rien ne vient donc déranger mon organisation (il suffit juste de dompter le décalage horaire et la connexion internet) ou dégrader la qualité de mes tâches réalisées. 


Ou parfois si, la panne d’envie peut pointer le bout de son nez. Mais que voulez-vous, nous sommes humains et par conséquent, nous ne pouvons produire indéfiniment, sans repos. Nous ne sommes pas des robots.

“When you do feel the pull to move, the trick is to test, try and experiment with the untethered lifestyle until you discover the perfect level of liberation that makes you feel productive, creative, connected, healthy and free. In the new way of working, one size fits none. So, create your own mould, which perfectly fits you alone!”

Mais si les salles de cours ou les bureaux vitrés sont loin derrière moi, si l’appel de la réunion a cessé, si la cloche ne retentit plus toutes les heures, mon travail aujourd’hui n’en est pas moins rythmé. Il n’est certes plus ponctué de ragots superflus, de pots de départ à répétition, de longs déjeuners au resto ou de RER en retard. Toutes ces parenthèses ont été remplacées par des imprévus ensoleillés ou des injections de bonheur à intervalle régulier.


Mon temps de trajet pour me rendre au boulot est ainsi passé de 60 (au mieux) à 8 minutes (au pire). J’ai délaissé le pass Navigo au profit de pieds ensablés. Les gossips autour de la machine à café (café gratuit mais très peu goûtu) ont été substitués par des conversations curieuses ou collaboratives, de touristes intrigués ou de digital nomades confirmés.

Cerise sur le gâteau : le café glacé est excellent et le gobelet en plastique inexistant. 

IMG20200115133141.jpg

Mon bureau a donc été ré-inventé, mais la manière de travailler reste la même.

Quels que soient le nombre d’éléments parfois perturbants (baristas bruyants, enfants capricieux, bouches bien trop expressives…), étrangement, ce niveau sonore n’a pas de répercussion (ou très rarement) sur la qualité de mon travail. Je reste concentrée, avec ou sans bruit, patron, réunion, emails à foison...

Vous me direz, ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir s’auto-discipliner, en dehors du bureau classique très normé. Mais en fonction des personnalités, cette adaptation de travail serait-elle peut-être innée ?!  Et bien si c’est le cas pour moi, voilà donc pourquoi je veux continuer de la cultiver, du lundi au dimanche compris.

Car rien n’est jamais acquis, ni garanti.

Néanmoins, je reste persuadée que la passion nous permet de construire nos propres murs, physiques ou psychologiques. Elle développe dextérité et patience, flexibilité et reconnaissance, exigence et autonomie, théorique et pratique. À tous les médisants, figurez-vous que l’université m’a royalement enseigné ces quelques qualités. 


Reconnaissante aujourd’hui je suis de travailler le vendredi face à la mer et le samedi face aux rizières. 

Emeline BlanchetCommentaire